Sport24 30/01
Roger Federer, l’art de rendre possible l’impossible - Fil Info - Open Australie - Tennis
Le légendaire Suisse a remporté l’Open d’Australie en dominant Rafael Nadal. Le temps n’a pas de prise sur son génie.Emporté par le tourbillon des émotions, étourdi par la valse des célébrations, Roger Federer s’est finalement assis en conférence de presse à 1 h 28 du matin (heure de Melbourne). Des étoiles dans les yeux : « Je ne peux comparer ce titre à aucun autre, à part peut-être Roland-Garros en 2009. » Cette année-là, les organisateurs des Internationaux de France avaient consenti une entorse au règlement, permettant au Suisse de quitter le stade avec la Coupe des Mousquetaires le temps d’une nuit. Roger Federer est à lui seul un livre d’histoires. Et le maître du jeu s’est, au fil des ans, inscrit comme le maître du temps. Professionnel depuis 1998, sculpteur d’un palmarès en or, le légendaire Suisse a banalisé l’exploit. Il collectionne les records en cultivant une grâce, une légèreté et une efficacité uniques. Voisin de palier d’Usain Bolt, de Michael Phelps ou de Lionel Messi. À Melbourne, il a, dimanche en finale, apprivoisé les coups venimeux et dompté le physique d’airain de Rafael Nadal, 6-4, 3-6, 6-1, 3-6, 6-3 en 3 h 37, pour s’inscrire, à 35 ans, comme le lauréat le plus âgé depuis 45 ans en Grand Chelem. Seuls résistent les 37 ans de Ken Rosewall lors de son sacre à l’Open d’Australie en 1972. Absent depuis plus de six mois pour consolider un genou gauche meurtri, Roger Federer a étourdi l’Open d’Australie pour remporter son 18e titre en Grand Chelem. Cinq ans après le dernier… En dominant Rafael Nadal pour la première fois depuis dix ans en Grand Chelem. Immortel.Mené 3-1 dans le 5e set, il a magistralement aligné cinq jeux : « Je me suis dit : “Joue librement.” Il fallait jouer la balle et pas l’adversaire. Les audacieux sont récompensés. Si je devais perdre, que ce soit en jouant de nouveau un tennis offensif. J’ai continué à me battre et à y croire. C’est ce qui m’a fait jouer mon meilleur tennis à la fin du match, ce qui m’a un peu surpris. » La dernière fois qu’un joueur épinglé n° 17 mondial s’était imposé en Grand Chelem, il s’agissait de Pete Sampras, au crépuscule de sa carrière, au comble de l’émotion, lors de l’US Open 2002… Federer s’inscrit dans la légende du sport comme l’égal du golfeur américain Jack Nicklaus, lauréat de 18 titres majeurs entre 1963 et 1986.De retour dans le Top 10 ce lundiIncroyable et incomparable Roger Federer. Il est né sur le circuit à la fin des années 1990 qui produisaient un jeu dans lequel la puissance régnait sans partage et où le réalisme l’emportait sur le romantisme. L’homme aux semelles de vent et aux coups soyeux, digne héritier des esthètes Ken Rosewall, Rod Laver, Arthur Ashe, John McEnroe ou Stefan Edberg, s’est imposé avec grâce. Parvenant à faire l’unanimité auprès de ses rivaux et à s’installer comme le centre d’attention, quel que soit le lieu de la compétition, comme l’identité de son adversaire. Sur tous les courts du monde, ses coups de raquettes magiques et sa gestuelle fascinent. Quand ses adversaires ahanent, il demeure impassible. Et, ce qui n’est pas le moindre de ses mérites, il gagne sans lasser. Sans jamais rompre le charme. Celui d’un jeu, diffusant des fragrances subtiles, légères. Même lors de parties bouillantes plongées dans une extrême tension. Celui qui retrouvera ce lundi une place dans le top 10 du classement mondial dont il a occupé la tête durant 302 semaines (un record) est un homme comblé. Épanoui dans sa vie de famille (quatre enfants). Symbole de succès sportif (89 titres) et commercial (en 2016, selon une étude de la London School of Marketing, la cible préférée des annonceurs a perçu 57,5 millions d’euros). Synonyme de réussite, il est devenu le deuxième joueur à franchir la barre des 100 millions de dollars (101,4) de gains en tournois.Deux joueurs inséparablesRoger Federer, classé comme « le plus grand joueur de tous les temps » (même si Nadal l’a battu 23 fois en 35 matchs), n’a pas oublié de saluer les mérites de son adversaire malheureux à Melbourne : « Rafa est fabuleux. Il est très important pour le jeu. » Federer et Nadal, inséparables au sommet des duels ayant marqué l’histoire du tennis. Et brutalement et brillamment relancés. Comme à leurs plus belles heures. Le 20 octobre dernier à Majorque, les deux joueurs en convalescence avaient partagé une journée à l’occasion de l’inauguration de l’Académie Nadal. Corps meurtris, ils avaient dû se contenter de balles échangées avec des jeunes et le Suisse avait glissé à l’Espagnol : « Je ne sais pas comment cela va se passer lorsque je reviendrai sur le circuit mais tu l’as fait un million de fois, tu peux m’inspirer. Tu reviens toujours avec tant de facilité. Je sais que ce n’est pas facile mais tu reviens à chaque fois dans le top 10, le top 5 ou jusqu’à la place de n° 1 mondial, je vais essayer de faire la même chose. » Un peu plus de trois mois après, ébahi, il a confié : « Il y a quelques semaines encore, aucun de nous deux ne pensait pouvoir être en finale de l’Open d’Australie. Le tennis est un sport dur. Il n’y a pas de match nul mais si cela avait existé, j’aurais été heureux d’en partager un. » La question de la suite va maintenant se poser. Le Suisse peut, en profitant de circonstances favorables, écrire d’autres chapitres marquants, à Wimbledon ou à l’US Open. L’Espagnol, lui, s’annonce redoutable pour la saison sur terre battue. « Je crois que si mon corps suit, je peux faire une grande année… » Les légendes sont définitivement de retour.