Sport24 02/01
Le nouveau pari fou du quadri-amputé Philippe Croizon - Fil Info - Dakar - Auto/Moto
Amputé des quatre membres, le pilote veut repousser les limites du handicap en s’attaquant au Dakar qui s’élance d’Asuncion, au Paraguay, et dont l’arrivée sera jugée à Buenos Aires, le 14 janvier.«Je te connais, je connais aussi tes exploits en mer, mais tu ne feras pas le Dakar avec nous.» Cette sentence prononcée par Étienne Lavigne, le patron du Dakar, en 2015 tombe comme un couperet pour Philippe Croizon. Mais le Castelroussin amputé des quatre membres a la tête dure. Bien décidé à aller au bout de son rêve malgré son handicap, l’aventurier de 48 ans auteur d’une traversée de la Manche à la nage en 2010 revient donc à la charge. Il insiste et obtient finalement un rendez-vous. «Je ne changerai pas d’avis», prévient Lavigne.La persévérance a fini par payer. Le patron de la crème des rallyes-raids plie. Mais à une condition : «Je devais me charger de tout le matériel assurant ma sécurité.» Il ressort de l’entretien avec une simple lettre de soutien qui vaut de l’or. «C’est tout ce dont j’avais besoin : être crédible pour lancer l’aventure», se remémore le père de cinq enfants. Le compte à rebours débute. Croizon n’a que dix-sept mois pour être prêt au départ à Asuncion (Paraguay) le 2 janvier 2017. Il forme son équipe en s’associant à Yves Tartarin, 18 Dakar au compteur, s’entoure d’ingénieurs pour concevoir la voiture, un buggy équipé d’une boîte de vitesses automatisée qu’il pilote avec un joystick, et se met en quête de sponsors. «Trouver 700 000 euros, c’est compliqué quand on n’a pas un sou en poche comme moi», avoue celui dont la vie bascula le 5 mars 1994 lorsqu’une ligne électrique de 20 000 volts le foudroya alors qu’il réparait son antenne télé.Sa rencontre avec le fortuné Qatarien Nasser al-Attiyah, double lauréat du Dakar, va tout accélérer pendant le Rallye du Maroc en octobre dernier. «Il vient me demander si mon projet avance. Je suis en panique, je ne sais plus quoi dire. Mon copilote me dit : “Dis-lui la vérité, Philippe.” Je lui avoue qu’il nous manque 100 000 euros, alors qu’on avait besoin de bien plus. Il m’a répondu : “Je veux que tu sois au Dakar, je vais t’aider.” » Un virement de 100 000 euros tombe quelques jours plus tard.Poussé par sa femme, Suzana, qui l’a incité à se lancer dans un nouveau défi, Philippe Croizon a mis tous les atouts de son côté pour réussir son défi. Il travaille physiquement mais aussi mentalement en compagnie d’un hypnothérapeute qui lui prodigue de longues séances de cohérence cardiaque, une méthode de relaxation utilisée par les pilotes de chasse. «Cela permet de limiter la montée d’adrénaline et de gagner une demi-seconde sur le danger», explique au Figaro ce féru de plongée. À quelques jours de s’élancer sur les pistes, il assure que la prise de risque ne l’effraie pas, qu’il n’a «pas besoin de se mettre en danger pour se sentir exister», même s’il ne pilote son bolide que depuis huit mois. «Je redoute quand même l’altitude. Je ne sais pas comment je vais réagir avec des passages à 4 850 mètres. La chaleur un peu aussi, car le budget était trop serré pour installer une climatisation totale», avoue-t-il.En Amérique du Sud, Philippe Croizon sait qu’il ne sera pas un concurrent tout à fait comme les autres. Il disposera d’un camping-car pour bivouaquer et d’une voiture d’assistance rapprochée en spéciale en cas de pépin. «Je peux m’extraire seul grâce à un système qui fait sauter la porte mais mon copilote Cédric Duplé sera mon baby-sitter car, pour tout ce qui concerne la mécanique, je ne peux pas trop aider», regrette-t-il. Il rêve de voir Buenos Aires après 8 800 km d’efforts, même si son associé Yves Tartarin l’a mis en garde : «Il faut être lucide : un sur deux n’atteindra pas l’arrivée.» Et si la route s’arrête avant ? «J’espère faire passer un message dans nos sociétés où on a souvent tendance à se victimiser. On peut changer les choses, j’en suis la preuve. Il faut y croire. Toujours.»