Sport24 01/02
Qui est Jeff Dubois, l'homme de l'ombre de Guy Novès ? - Fil Info - XV de France - Rugby
Entraîneur-adjoint en charge des trois-quarts tricolores, le Landais est garant du credo offensif du XV de France. Récit d'une ascension irrésistible.Pas grand-monde ne connaît son nom. Encore moins son vrai prénom. Jean-Frédéric – Jeff - Dubois n’a, à son grand regret, jamais porté le maillot bleu. Passé par Dax, Béziers, Colomiers, le Stade Toulousain et le Racing – de 1996 à 2009 -, il peut s’enorgueillir d’une honnête carrière de joueur. Demi d’ouverture sans palmarès. Avant, en 2015, de décrocher son premier bouclier de Brennus comme entraîneur-adjoint du Stade Français. Un premier coup d’éclat. Pour une promotion express. «Bien sûr que ça été vite, reconnaît sans faux-semblant l’entraîneur des trois-quarts du XV de France. On peut parler d’ascension fulgurante, extraordinaire.»D’autant plus inattendue qu’il ne se destinait pas à devenir entraîneur. «Tout le monde me dit que j’étais fait pour ça mais moi, honnêtement, je n’étais vraiment pas programmé pour, confirme le Landais au Figaro. C’est un concours de circonstances. Quand j’ai fini ma carrière de joueur au Racing (en 2009), je suivais une formation d’agent immobilier pour ouvrir mon agence dans le Sud-Ouest. Mais, avec la crise immobilière, je ne me sentais pas prêt d’ouvrir un truc tout seul. Finalement, avec deux associés, j’ai monté une société d’externalisation de la paye. J’y ai travaillé jusqu’à ce que je sois recruté par le Stade Français (en 2013).»Durant ces quatre années, il s’est petit à petit rapproché du terrain. «Les dirigeants de Massy m’ont d’abord proposé de jouer pour eux. J’ai dit non. Puis d’entraîner. Toujours non. Puis de donner un coup de main au centre de formation. J’ai dit oui. Une fois par semaine, je m’occupais du jeu au pied des gamins. Ensuite, j’ai ajouté une séance avec les arrières de l’équipe première. Et, au fur et à mesure, j’ai fini par me retrouver entraîneur des trois-quarts.» Un nouveau sourire. «Il y a eu un retour mémorable dans le train qui nous ramenait de Tyrosse. Les joueurs m’ont plébiscité et ça s’est fait naturellement. Et ça m’a plu.»Proche de ses joueurs, n’hésitant jamais à se mêler aux troisièmes mi-temps, mais aussi convaincu de ses idées sur le jeu. Où la passe est privilégiée. «Je viens d’un club, Peyrehorade , où c’était cette philosophie de jeu aussi : écarter les ballons, jouer, raconte le fils de Gaston Dubois ex-président du comité Côte Basque Landes. Puis, tout au long de ma carrière, j’ai côtoyé des entraîneurs qui prônaient ce jeu. J’ai mixé tout ça pour construire ma propre philosophie. C’est une conviction forte. Je pense qu’on peut gagner en faisant ce jeu-là. On en est persuadé avec Guy et Yannick. Hors de question de faire marche arrière. On est prêts à mourir avec nos idées : il faut se rapprocher du style de jeu des All Blacks…»Recruté par le Stade Français en 2013, son credo fait des merveilles. Les trois-quarts parisiens brillent et épatent. Pour remporter le Top 14 en juin 2015. Une consécration pour Jeff Dubois qui, bientôt, est appelé par Guy Novès pour l’accompagner en équipe de France. « C’est arrivé tellement vite que je ne peux pas me permettre de dire que c’était une ambition, rit le technicien de 43 ans. Après seulement deux saisons en Top 14, c’était une surprise. Même pour moi. Mais je ne me suis posé la question que deux secondes. J’ai dit oui tout de suite. L’équipe de France faisait partie de mes objectifs de joueur mais je n’ai jamais été sélectionné. Alors l’entraîner et représenter mon pays, c’était un honneur.»On pourrait penser qu’il avait noué des liens forts avec Guy Novès lors de ses trois saisons (2004-2007) sous le maillot toulousain. Ce n’est même pas le cas. «C’était une relation très professionnelle. J’avais tellement de respect pour Guy que je voulais garder une distance. Pas de rigolade avec lui, il m’impressionnait. Je ne me voyais pas devenir copain avec lui, sourit son adjoint depuis an. Mais, même si on ne s’est pas trop parlé après mon départ, il avait apprécié cette relation m’a-t-il avoué. En revanche, j’avais gardé des relations avec Yannick (Bru, en charge des avants, ndlr). Il a joué un rôle important dans ma nomination…»Le voilà donc au sommet du rugby français. Une aventure qu’il apprécie malgré ses contraintes. «Quand j’étais entraîneur de club, j’étais tous les jours avec les joueurs, tous les jours sur le terrain. Je savais que l’équipe de France, c’était plus par périodes mais je n’imaginais pas à quel point. Je passe plus de temps à travailler sur l’ordinateur que sur le terrain. C’est étrange d’avoir si peu les joueurs. Au début c’était frustrant. Désormais, je travaille différemment. Quand il n’y a pas de match, honnêtement, il n’y a pas de pression. En revanche, elle plus forte qu’en club quand approchent les rencontres car on représente un pays. On veut donc que tout soit parfait.» Changement aussi au quotidien. «C’est un autre rythme de vie. Je suis moins souvent absent de chez moi mais, quand je le suis, c’est pour de plus longues périodes. C’est plus dur pour mon épouse, qui travaille et doit s’occuper de nos trois enfants…»Un nouvel environnement. Au sommet de la pyramide, scruté par les médias, ses ex-confrères. Et en charge des meilleurs éléments du pays. Ce qui ne l’a pas poussé à modifier sa façon d’être. «Je suis plutôt complice avec les joueurs. Je ne force pas mon caractère. Je suis naturel. Si je dois sortir une blague, en brancher un, je le fais. Mais il y a du respect, bien entendu, et s’il faut être autoritaire je sais le faire. Après, je suis à l’écoute des joueurs. Je leur pose beaucoup de questions. Et je leur explique régulièrement pourquoi on fait ça, ce que j’attends d’eux. S’ils croient à ce que je leur dis, ils vont le réaliser sur le terrain. Mais il y a toujours beaucoup d’envie, de bien faire, de s’appliquer. J’ai impression qu’ils se régalent aussi.»Depuis son départ, le Stade Français joue beaucoup moins bien ; depuis son arrivée, l’équipe de France joue beaucoup mieux...Tout comme le public. Pour un renouveau tricolore. Le retour d’un allant offensif – on ne va pas parler de French Flair – dont beaucoup se languissaient. D’où LA question. Depuis son départ, le Stade Français joue beaucoup moins bien ; depuis son arrivée, l’équipe de France joue beaucoup mieux. Son apport est donc déterminant ? Embarras et rire gêné. «C’est un concours de circonstances. Avec le XV de France, on est tous sur la même longueur d’ondes. Et Guy me fait confiance, donc c’est facile. Au Stade Français, ça se passait super bien avec Gonzalo (Quesada). Son erreur a été de ne pas me remplacer tout de suite après mon départ. Il s’est perdu, il avait un peu trop de choses à faire, et ça s’est ressenti sur le jeu… » Ses explications ne nous empêcheront pas de penser que la réponse était dans notre question.