Retour sur France-Australie (23-25)
Le Contexte
La semaine dernière à Marcoussis, ça fulminait dans les couloirs :
-… Pas à moi… Pas à MOI, bordel ! Il va pas me faire le coup de l’équipe B ! C’est moi qui l’ai inventé !
– Calme-toi, Guy, ton ulcère…
– Il se pointe comme une jonquille, et voilà qu’il balance aux journalistes qu’il va aligner une équipe B. Bien sûr, les scribouillards se jettent sur le gigot et racontent à qui mieux-mieux que l’Australie, c’est surfait, limite, qu’on fait une opposition contre les GO du club med d’Hossegor. Genre moi, j’aligne les All-Stars, lui la réserve de Pibrac. Putain, il va voir de quel bois je me chauffe l’autre Libanais, avec sa cramoune au front.
Cette sensation de s’être fait rickroller a-t-elle fini de cramer l’oesophage de Guy Novès ? Le staff a-t-il vraiment cru que Bernard Foley était décédé dans son hôtel parisien ? Toujours est-il que Quade Cooper déclarant forfait à la dernière minute à la suite d’un brunissement lingual consécutif à une négociation de contrat avec le RCT, cette équipe B a retrouvé comme par hasard un fumet de vice championne du monde.
Côté bleu, on reconduit en composant avec les blessures. A défaut d’un grand 10 nous avons un gros Douss’. La stratégie du 888 en 3ème ligne perdure avec Ollivon qui rentre à la place de Goujon, et aux ailes, Guytou préfère les palmiers à Pamiers. Le dubitatif résigné qui servait de seizième homme a laissé sa place à un curieux optimiste après la large et réjouissante victoire contre les Samoa.
Le Match
Dès le coup d’envoi, L’hébétude est palpable sous les maillots tricolores. Les Français se font rentrer dedans par les Australiens tel un groupe de séminaristes mormons dans un congrès de cougars. Ce XV peu inspiré rend un ballon de récupération par un jeu au pied mal avisé, et échappe de peu à un premier essai dès la deuxième minute. Un ballon rendu par les Wallabies permet aux Français de mettre en place quelques phases de jeu prometteuses, de gagner du terrain, puis 3 points à la faveur de l’indiscipline au sol de leurs adversaires. Machenaud ouvre donc le score à la 5ème : 3 – 0.
7ème minute : touche pas droite des Wallabies. Sur la mêlée qui suit, la première ligne australienne tente de rentrer chez elle par le chemin le plus court. Coup franc pour les Bleus, qui, sympa, offrent à leurs adversaires une nouvelle possibilité d’inaugurer un tunnel vertical Paris-Sydney. Trop occupés à mâcher la pelouse, ils ne voient pas la 89 qui se joue petit côté et Nakaitaci qui s’échappe presque. Peu après, les Australiens commettent un en avant. Amnesty International dénonce l’acharnement.
Si la mêlée australienne s’annonce comme un point faible, le grattage reste un point fort. Malgré tout à la 15e minute, Pockock se fait sanctionner pour un grattage plus illicite que d’habitude. A 50 mètres, Scott Spedding tente la pénalité mais le ballon frôle le poteau. Scott pleure des larmes de Beaujolais en allant se replacer. Sur la remise en jeu tout s’enclenche soudain parfaitement : 12 temps de jeu, 30 passes, des largeurs, des offloads, un peu de chatte, et 80 mètres plus tard, essai de Vakatawa. C’est bien simple, on a vu plus de passes et de temps de jeu en 2 minutes qu’en 4 années de Saint-André. Incroyable ce qu’une semaine de préparation supplémentaire peut produire. Machenaud ne transforme pas et nous fait perdre le match. 8-0.
– Coucou qui c’est ? – La commission de discipline ?
Sur l’action suivante, Morahan se la joue fils des âges farouches et transperce des Français qui défendent debout. Une faute permet à Foley d’ouvrir la marque pour l’Australie. 8-3. Les Australiens se font plus insistants. A la suite d’une touche dans les 22 français un maul se forme et faute d’opposition prend vite du momentum. C’est comme de l’élan mais en moins français. Ollivon commet la faute stupide d’écrouler pour contrer cette avancée inexorable, alors qu’il lui suffisait de s’arc-bouter avec beaucoup de conviction pour l’arrêter proprement. Essai de pénalité et carton jaune. 8-10.
Le reste de la période continue sur des bases similaires. Les Australiens portent le danger dans le camp français, et pourrissent les rucks dès qu’ils en ont l’occasion. Monsieur Jackson, n’est pas très regardant sur cette phase de jeu d’ailleurs. Les Français sont joueurs, et ont à cœur de faire circuler la balle, même si ce n’est pas exempt d’imprécisions. L’absence d’Ollivon n’aura pas d’impact au score, pas plus que la présence temporaire de Lopez, rentré pour suppléer un Scott Spedding sorti pour aller abreuver les sillons. Foley rajoute 3 points à la marque grâce à l’efficacité de ses partenaires sur le jeu au sol, Machenaud fait de même grâce à l’efficacité de ses partenaires sur mêlée fermée. 11-13 à la mi-temps.
Quand tu te dis “ils ont peut être pas compris ma vanne… Je vais la refaire.”
Le retour de pause s’annonce difficile, à l’instar de ce qu’il fut la semaine dernière. Will Genia décide de jouer à la main une pénalité pourtant bien placée. Fabien Galthié déplore cette énorme erreur, ce qui est de mauvais augure pour la suite. Les Australiens multiplient les temps de jeu dans les 22 français. Patienter, attendre, ne pas se presser, passe à Foley. L’ouvreur file marquer son essai 11-20. On n’en a pas encore fini avec ce quart d’heure australien, et sans une bonne défense, Naivalu aurait pu aggraver le score. La France s’empêtre dans ses 22, les Australiens sont agressifs et jouent juste, à l’image de Godwin, très au point, à tel point qu’il marque des points pour sa première sélection (vous l’avez ?). Cependant il n’en faut pas beaucoup non plus aux Bleus : une possession et voilà Spedding débordant la défense. Une paire de passes un peu confuses plus tard, Doussain marque un essai, fait un mic drop et sort comme un prince pour laisser sa place à Lopez. Machenaud ne transforme pas et nous fait perdre le match. 16-20.
En moins de temps qu’il n’en faut pour dire “Tevita Kuridrani”, voilà que ce dernier qui perce la défense bleue. Quelques points de fixation plus tard, Genia prend un trou de souris au ras et envoie Kuridrani aplatir d’une large sautée. “Mal joué de la part de Genia !” nous dit Fabien Galtié. Par conséquent Monsieur Jackson accorde l’essai même si ce dernier, aplati à la base du poteau de coin, était discutable.
Twittos essayant de déterminer s’il y a essai ou pas essai.
C’est la 60e minute, et il semble que les Australiens commencent à marquer le pas. Les Français quant à eux jouent plus libérés, délivrés. Les mouvements d’ampleur s’enchaînent et les Bleus sont plus dangereux. Fofana conclut une longue offensive par un essai entre les perches : 23-25.
Malheureusement il semble que les habitudes de loser magnifique ne se corrigent pas aussi vite que la stérilité offensive. Effacer l’incapacité à aller chercher un match dans les dernières minutes n’est pas à la portée du premier sorcier pibracien venu. A deux reprises, en hommage à la France viticole, Spedding vendage un deux contre un. Et une fois passée la sirène, décidant de jouer ce match à pile ou face, impatients et défaitistes devant le laxisme arbitral, résignés devant la supposée fatalité de son inaction, Serin éjecte à destination de Lopez qui rate son drop tel un Brock James en surpoids.
Les joueurs
La première ligne a carrément moulu sa contrepartie en mêlée fermée et a été à son avantage dans le jeu ouvert. Pour la deuxième ligne, je regarde jamais vraiment, mais ça devait être bien aussi. En tout cas, la troisième ligne a largement fait le job. Dans la grande tradition de l’équipe de France, Novès a aligné une charnière inédite, qui pour une fois aura rivalisé, sans être irréprochable. Les camarades de chambre venus du Michelin ont formé une paire très complémentaire, sachant alterner et faire jouer leurs ailiers. Ces derniers ont quant à eux montré des qualités redoutables, mais auront fort à faire lors du prochain match. A l’arrière, il faut reconnaitre à Scott Spedding une forte activité et espérer que la saison des vendanges tardives est terminée.
Conclusion
Gageons-le, ces 3 points auraient embelli cette morne ambiance de fin du monde que l’élection de Trump ou la domination de Fillon aux primaires font planer sur nos têtes. Ces 3 points auraient probablement valu à tous les joueurs d’être notés quelques points de plus au barème de l’Equipe, même Maxime Machenaud. Ces 3 points auraient consolé ce pauvre Scott de ces mauvais choix. Las, ce match nous laisse un goût amer, qui sans masquer celui plus agréable de banane, pourrait avoir laissé un léger mal de tête au XV de France.
La pilule de la défaite est difficile à avaler, certes, car rappelons-le, le dopage n’existe pas dans le rugby. Mais pour la première fois depuis longtemps on a l’impression qu’il peut se passer quelque chose d’exceptionnel à tout moment, ce qui en soi est une définition du French Flair. Même s’il y a des fautes et des imprécisions qui ne pardonneront pas, même si ce sera une autre paire de manche de les déborder, on se prend à envisager le match contre les Blacks avec autre chose que du dépit. Alors continuez comme ça et vous le remplirez peut-être, votre grand stade.
La Liberté Vendangeant un 3 contre 1 – Huile sur toile – Thierry Delacroix